Extrait de l’intervention d’Inès de Franclieu, au Palais des Nations de l’ONU, le 19 novembre 2019, dans le cadre de la conférence « The Right to Education – Towards a renewed commettent on Education »

L’éducation affective et sexuelle: une expression récente

 

 


Cette expression de plus en plus utilisée par les parents et les éducateurs est somme toute relativement récente, et apporte à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Il y a une bonne nouvelle à découvrir combien expliquer le sens de l’altérité sexuelle, la transmission de la vie, l’amour, permet de faire grandir un enfant sereinement et participe à la construction d’un homme libre ! 

Il y a une mauvaise nouvelle à réaliser que tout beau message peut être falsifié, que ce qui construit peut aussi détruire, que la beauté peut être changée en laideur, que l’émerveillement peut devenir voyeurisme, que ce qui devrait rassurer peut véhiculer peur et dégout ! 

Si de tout temps, il y a eu des parents qui ont su parler à leurs enfants de la beauté du corps sexué fait pour donner la vie, qui ont su parler de la vie qui jaillit de l’union des corps exprimant l’union des cœurs, en bref de l’amour, il faut admettre cependant que penser l’éducation affective et sexuelle est relativement récent. En effet, en raison sans doute d’un jansénisme ambiant méprisant le corps et laissant planer le doute sur la sexualité, ce domaine est resté longtemps tabou.

Cette parole ajustée, qui s’interdit de dénigrer le corps, sans omettre de voir en toute personne un être de transcendance à laquelle participe la sexualité, demande vérité mais aussi délicatesse, explications biologiques sans doute, mais surtout sens profond des actes posés. 

L’éducation affective et sexuelle n’appartiendrait-elle pas exclusivement à la sphère familiale ?


Ceci étant dit, la question est de savoir si ce domaine de l’éducation affective n’appartiendrait pas en propre et uniquement à la sphère familiale. On pourrait être tenté de répondre par l’affirmative tant la sexualité fait partie de l’intimité de toute personne et touche sans doute à ce qu’il y a de plus existentiel. 

Malheureusement, beaucoup de parents restent réticents à parler de ces questions avec leur enfant, se sentant souvent démunis face à ses questions, ne sachant pas comment aborder ce domaine ni quels mots utiliser. En bref, le dialogue sur ces sujets n’existe pas ou très peu dans beaucoup de familles. 

En revanche, le domaine de l’éducation sexuelle a désormais investi les milieux éducatifs, et en premier lieu les écoles primaire et secondaire. La déconstruction de la famille humaine et le mal-être des jeunes en général qui vivent désormais dans des sociétés sexualisées à l’extrême, ne sont pas étrangers à cette prise de pouvoir de l’Etat sur ce domaine réservé autrefois à la sphère familiale. 

Par ailleurs, l’évolution des moyens d’informations, donnant accès aux enfants de plus en plus jeunes à des contenus pornographiques, nous presse à parler et bien souvent à rétablir la vérité sur ces questions. 

Face à cet état de fait, la question n’est donc pas ou plus de savoir s’il faut une éducation affective et sexuelle à l’école, au collège ou au lycée, mais bien plus comment l’aborder, quelle parole donner.

Quand commencer l’éducation affective et sexuelle ?


Les chiffres sont alarmants : 80% des garçons sont exposés à la pornographie avant l’âge de 14 ans, 50% avant l’âge de 12 ans[1].

La « reproduction humaine » fait partie du programme de fin de primaire.

Par ailleurs, nos enfants évoluent aujourd’hui dans un monde où il n’y a plus de tabous. En revanche, il y a un voyeurisme qui met à nu ce qui devrait être de l’ordre de l’intime. Ce voyeurisme est bien plus grave encore lorsqu’il s’agit d’une sexualité violente, totalement dé-corrélée de sentiments, comme l’est la pornographie. Ce qui a été vu à la maison ou dans la rue, est rapporté à l’école. Les cours de récréation deviennent, par le biais de portables avec accès internet et donnés à des enfants de plus en plus jeunes, des lieux d’expérimentation (70 % de la pornographie vue par les mineurs passe par le téléphone portable). 

En collège et au lycée, le noble souci d’enseigner aux jeunes le fonctionnement du corps sexué et d’expliquer l’amour se limite bien souvent à une prévention sanitaire dont le seul but est d’éviter les MST (Maladie Sexuellement Transmissibles) et les grossesses précoces ou non désirées. On ne parle que du corps. Réduisant la personne à un corps et ainsi aux pulsions du corps, la sexualité est présentée comme un passage obligé, une technique de corps qui doit être la plus performante possible, pour procurer un maximum de plaisir. Toutes sortes de pratiques sexuelles sont alors expliquées et justifiées. La pression du groupe est implacable. La grossesse devient un drame à éviter coûte que coûte. Ce sera possible grâce à l’explication de tous les moyens de contraception…

Où est passé l’amour ? 


Dès le plus jeune âge, nos enfants sont en mal de vérité, car la sexualité n’est pas qu’une question de corps. C’est dans un esprit d’émerveillement que Com’je taime a construit sa pédagogie: révéler ce qu’est la personne humaine et sa vocation profonde de façon recevable dans un monde qui se déshumanise, mais dont les aspirations restent intemporelles.

Il faut dire aux enfants en fin de primaire – début du secondaire que ce corps sexué est fait pour un jour exprimer l’amour et parfois donner la vie, réconcilier corps et cœur, sexualité et vie. L’anthropologie leur expliquera ce qu’ils sont vraiment: un corps bien sûr mais aussi l’enveloppe visible des dimensions invisibles que sont l’esprit et le cœur. Trois dimensions que l’on ne peut séparer et qui vont donc interagir. Ce que je fais avec mon corps va toucher à mon cœur ; ce que je regarde avec mes yeux du corps peut faire du bien à mon cœur quand je regarde quelque chose de beau et de grand, mais peut aussi terriblement abîmer mon cœur quand c’est violent, vulgaire, voire pornographique. Je peux donc faire mal à mon cœur par mon corps.

L’esprit me permet de guider le corps afin de ne pas devenir esclave de ce corps. Réfléchir aux envies du corps, être maître de soi, c’est cela qui rend libre… 

Il y a urgence de permettre à l’enfant de s’émerveiller de ce corps fait pour aimer, lui faire saisir combien l’amour est ce qu’il y a de plus précieux dans la vie car source de bonheur. Quand l’enfant pourra poser un regard admiratif sur ce corps dont il a compris la finalité, il sera prêt alors à s’investir dans le respect de son propre corps et de celui des autres. C’est ce que l’on appelle la pureté… Prendre soin de ce corps sexué, c’est à cet âge stopper les moqueries, les propos vulgaires en cour de récréation, c’est apprendre la maîtrise du regard, etc…

Pour beaucoup d’enfants dont le cœur a déjà été blessé par des images avilissantes, des propos violents et donc mensongers, ces interventions pourront les rassurer sur la vérité de la sexualité : langage du corps qui dit combien on s’aime.  

Quant aux plus grands (fin de collège – lycée), combien ont-ils besoin d’entendre parler d’amour et non pas simplement de sexe et de danger (message véhiculé par les manuels et les cours de SVT ! Leur dire qu’il ne s’agit pas de SE protéger de l’amour, mais DE protéger l’amour comme un bien éminemment précieux… Il y a là, me semble-t-il, une vraie urgence qui s’apparente à de l’aide à personne en grand danger !

Cette anthropologie est encore nécessaire à la compréhension de ce que nous sommes pour faire émerger chez le jeune ce qu’il veut vivre, ce à quoi son cœur profond aspire. À nous adultes de le guider sur ce chemin escarpé de la construction d’un amour source de bonheur, c’est à dire un amour durable. Chaque rupture amoureuse porte en elle une blessure du cœur dont la cicatrice met du temps à s’estomper et met à mal le bonheur.

Il est tellement important pour nos jeunes, de découvrir combien la différence est source de richesses. La différence des corps sexués permet l’union et peut donner la vie. Reconnaître la différence de nos psychologies hommes-femmes, reconnaître la différence de nos attentes affectives permettra de vivre de la richesse de la complémentarité. 

Com’ je t’aime, enfin, tient à leur faire comprendre que l’amitié est le socle de l’amour ! L’amitié en effet permet de connaître la personne en vérité, avec ses qualités et ses défauts, et donc de se choisir un jour, en toute connaissance de cause. Vivre l’amitié entre garçons et filles demande une forme de silence : taire à l’autre le sentiment naissant pour le laisser mûrir ou mourir. Le silence est la garantie de la liberté pour observer l’autre tel qu’il est vraiment, sans se laisser aveugler par le fait de se savoir aimé , sans se laisser enivrer par des corps qui commencent à se donner. Le plaisir attire car il est immédiat, mais le bonheur se construit et donc demande du temps. Faire réfléchir nos jeunes à l’amour qu’ils veulent vivre, c’est leur donner les clefs d’un bonheur à construire, qui nécessitera de renoncer librement à certains plaisirs immédiats en vue d’un plus grand bonheur. Choisir sa vie demande de se libérer de la pression extérieure pour accéder à la liberté, véritable source de bonheur.  

Les témoignages des enfants et des jeunes à la suite de nos interventions sont encourageants


 «  Avant j’avais peur de ce sujet, maintenant je suis rassurée », une fille de 10 ans. 

« Je croyais que c’était sale, maintenant je trouve ça beau !… Merci », une fille de 11 ans. 

« J’ai compris, on n’est pas des moutons… je ne vais pas suivre les autres quand ils se moquent du corps », un garçon de 10 ans.

« Je n’avais pas réalisé la différence entre plaisir et bonheur… Ca change tout ! Merci d’être venue nous parler » , un garçon de 16 ans 

«  Je croyais que vous alliez nous parler de sexualité et en fait vous avez parlé d’amour ça fait du bien ! c’est ça que je voudrais vivre ! », une fille de 17 ans 

« Vous avez raison, ce que je vis est étouffant ! », une fille de 15 ans 

Inès de Franclieu   


[1] Halte au porno, Olivier Florant, Éd. du Cerf.