Par Inès de Franclieu, article à retrouver dans la revue La Nef n°355 février 2023.

 

Retrouver le sens de l’altérité sexuelle, apprendre aux parents à ne plus fuir ces sujets, parler aux enfants de l’amour véritable, aborder la sexualité par ce qu’elle a de beau et pas seulement par l’interdit, tel est ce que prône Inès de Franclieu, déléguée générale de Com’ je t’aime.

 

L’éducation affective et sexuelle d’un enfant consiste tout simplement à lui expliquer le sens de l’altérité sexuelle. Pas de vie sans altérité ! La vie : fruit de l’union des corps qui dit l’union des cœurs ! Cette éducation demande donc vérité mais aussi délicatesse, explications biologiques sans doute, mais surtout sens profond des actes posés. Cette parole ajustée devrait appartenir à la sphère familiale, tant la sexualité fait partie de l’intimité de toute personne et touche sans doute à ce qu’il y a de plus existentiel.

Cependant, beaucoup de parents restent réticents à aborder ce sujet avec leur enfant, ne sachant quels mots utiliser, et ils sont démunis face à ses questions. La société, elle, s’en est emparée par le biais des programmes scolaires. Et nous constatons que tout beau message peut être falsifié, que ce qui construit peut aussi détruire, que l’émerveillement peut devenir voyeurisme, que ce qui devrait rassurer peut véhiculer peur et dégoût.

Les moyens d’information donnent accès aux enfants de plus en plus jeunes à des contenus pornographiques. Les chiffres sont alarmants : 80 % des garçons sont exposés à la pornographie avant l’âge de 14 ans, 50 % avant l’âge de 12 ans[1]. La sexualité y est violente, totalement décorrélée de sentiments.

Il est important de comprendre que ce qui a été vu à la maison sur un ordinateur, est rapporté à l’école. Les cours de récréation deviennent, par le biais de smartphones donnés à des enfants de plus en plus jeunes, des lieux d’expérimentation.

Au collège et au lycée, l’éducation à la sexualité est réduite à une prévention sanitaire dont le seul but est d’éviter les MST (maladies sexuellement transmissibles) et les grossesses précoces. On ne parle que du corps. Réduisant la personne à un corps dont on peut changer le sexe, la sexualité est présentée comme une technique de corps qui doit être la plus performante possible, pour procurer un maximum de plaisir. Toutes sortes de pratiques sexuelles sont alors expliquées et justifiées.

Où est passé l’amour ?

Il y a donc urgence. Dès le plus jeune âge, nos enfants ont besoin de vérité : la sexualité n’est pas qu’une question de corps. L’exclamation du pape saint Paul VI parlant de l’Église comme étant « experte en humanité » nous indique que révéler la beauté de l’humanité est un message profondément chrétien.

C’est dans cet esprit que Com’ je t’aime a construit sa pédagogie : révéler ce qu’est la personne humaine et sa vocation profonde à aimer.

Il faut dire aux enfants que ce corps sexué est fait pour un jour exprimer l’amour et ainsi donner la vie. Il faut réconcilier corps et cœur, sexualité et vie.

Il est important de leur révéler qu’ils ne sont pas que corps mais aussi esprit et cœur – trois dimensions que l’on ne peut séparer. Alors, ce que je fais avec mon corps va toucher à mon cœur… En effet, ce que je regarde par mes yeux du corps peut faire du bien à mon cœur, mais peut aussi terriblement abîmer mon cœur quand c’est violent, vulgaire, voire pornographique.

L’esprit, lui, me permet de guider le corps afin de ne pas devenir esclave de ce corps. Réfléchir aux envies du corps, être maître de soi, c’est cela qui rend libre.

Com’ je t’aime veut émerveiller l’enfant sur ce corps fait pour aimer et, parfois, donner la vie. Admiratif de ce corps et de sa finalité, l’enfant sera alors prêt à y consentir et à s’investir dans le respect de son corps et de celui des autres.

Quant aux adolescents, combien ont-ils besoin d’entendre parler d’amour et non pas simplement de sexe et de danger ! Leur dire qu’il ne s’agit pas de se protéger de l’amour, mais de protéger l’amour comme un bien éminemment précieux.

Com’ je t’aime cherche à faire émerger chez le jeune ce qu’il veut vivre, ce à quoi son cœur profond aspire, à le guider sur le chemin escarpé de la construction d’un amour source de bonheur, c’est-à-dire d’un amour durable. Chaque rupture amoureuse, en effet, porte en elle-même une blessure du cœur dont la cicatrice met du temps à s’estomper.

La différence, source de richesses

Il est tellement important pour nos jeunes de découvrir combien la différence est source de richesses. La différence des corps sexués permet l’union et peut donner la vie. Consentir à la différence de nos psychologies hommes-femmes, reconnaître la différence de nos attentes affectives permettra de vivre de la richesse de la complémentarité.

Nous leur faisons découvrir combien l’amitié est le socle de l’amour, puisqu’elle permet de connaître la personne en vérité.

Vivre l’amitié entre garçons et filles demande une forme de silence : taire à l’autre le sentiment naissant pour le laisser mûrir ou mourir. Le silence est la garantie de la liberté pour observer l’autre tel qu’il est vraiment, sans se laisser aveugler par le fait de se savoir aimé, sans se laisser enivrer par des corps qui commencent à se donner. Le plaisir attire, il est immédiat, mais le bonheur se construit et demande du temps.

Faire réfléchir nos jeunes à l’amour qu’ils veulent vivre, c’est leur donner les clefs d’un bonheur à construire, qui nécessitera de renoncer librement à certains plaisirs immédiats en vue d’un plus grand bonheur. Choisir sa vie demande de s’affranchir de la pression extérieure pour accéder à la liberté.

Ce chemin exigeant permettra de déclarer un jour à la personne que l’on aura choisi d’aimer « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime ! »

N’hésitez pas à rejoindre la mission de Com’ je t’aime : les jeunes et le monde en ont besoin !

 

[1] Olivier Florant, Halte au porno, Cerf, 2016.